Une jeunesse allemande, la critique du film

 

Un documentaire réussi qui démontre par l’unique biais d’images d’archives comment, d’un discours déconnecté de sa base, la Fraction Armée Rouge deviendra l’ennemi public numéro 1 dans l’Allemagne des années 70.

L’argument : La Fraction Armée Rouge (RAF), organisation terroriste d’extrême gauche, également surnommée « la bande à Baader » ou « groupe Baader-Meinhof », opère en Allemagne dans les années 70. Ses membres, qui croient en la force de l’image, expriment pourtant d’abord leur militantisme dans des actions artistiques, médiatiques et cinématographiques. Mais devant l’échec de leur portée, ils se radicalisent dans une lutte armée, jusqu’à commettre des attentats meurtriers qui contribueront au climat de violence sociale et politique durant « les années de plomb ».

Notre avis : Cette immersion au cœur de la Fraction Armée Rouge, plus communément connue sous le nom de « Bande à Baader », expose sobrement à bases d’images d’archives uniquement, sans aucune voix off ; comment de jeunes militants d’Extrême Gauche se radicalisent et passent à la lutte armée en espérant une prise de conscience du peuple qui mènerait à la révolution.

Faisant fi de la réalité du monde, leur vision autarcique de la société les mènera à une impasse, à savoir que l’on ne peut décider du bonheur des autres malgré eux. Cet idéalisme revendicatif débouche sur un néant où le meurtre, les attentats, les enlèvements précipiteront la crise et feront de la RAF l’ennemi public numéro 1.

Le film de Jean-Gabriel Périot souligne la riposte immédiate de l’état allemand, elle est impitoyable. Ceux qui croyaient lutter contre lui, au nom d’une cause juste, sont rabaissés au rang de terroristes, tant la teneur outrancière de leur propos, comme ceux qui consistaient à assimiler les flics à des porcs au service des gouvernants, n’auront pour conséquence que se mettre ledit peuple à dos.

Le documentaire s’attarde notamment sur Ulrike Meinhof au préalable journaliste au journal Konkret qui réalisa, entre autre, un documentaire sur la répression des manifestions étudiantes du 2 juin 1967. La jeune femme passe à la lutte armée en 1970, à la suite de sa participation au commando qui libère Andréas Baader. Elle entre alors en clandestinité. S’ensuit une longue dérive qui finira par son arrestation.

La figure montrée dans le film est passionnante. Issue d’un milieu bourgeois, Ulrike Meinhof est représentative de cet Extrême Gauche apparue à la fin des années 60 dont la problématique est le passé nazi de l’Allemagne et le rôle joué par le "père". La théoricienne politique pense que les dirigeants de cette démocratie allemande ne sont qu’une prolongation à peine voilée des dirigeants nazis. Le miroir aux fantasmes de la révolution baadérienne est montré dans le film comme une construction mentale, imaginaire et destructive.

Le grand mérite du documentaire de Jean-Gabriel Périot est de démontrer sobrement, même si pas de façon très claire, comment ces velléitaires hostiles au pouvoir seront transformés par la télévision en terroristes paranoïaques, notamment au moment de la série d’attentats de 1972 et l’enlèvement de Hans Martin Schleyer responsable du syndicat patronal et ancien nazi qui n’apparaîtra somme toute que comme une simple victime masquant ce que le "système" selon la terminologie baadérienne s’attache à masquer à savoir la dénazification un tantinet légère de l’Allemagne, sa collusion avec des régimes despotiques, entre autres.

Au final l’amateurisme baadérien de ces révolutionnaires aux petits pieds desservira leur cause et les broiera impitoyablement, les assimilant à tort à de vulgaires terroristes, leur discours simpliste et extrémiste étant refusé par ce peuple qu’il croyait incarner. Avec ses images d’archives, le film en fait une démonstration patente et surtout passionnante.

 

 

par Marc Quaglieri
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9 octobre 2015